Hommages & témoignages

Récit du voyage du souvenir effectué en 2010

Voyage en Poméranie occidentale à Borne Solinowo et à Choszczno 7 au 12 septembre 2010

Je tiens tout d’abord à remercier tout particulièrement M. Etienne JACHEET qui, devant participer à un colloque sur les « prisonniers de guerre en Poméranie occidentale (1939-1945) » du 8 au 10 septembre 2010, a organisé à nouveau un voyage sur ces lieux de mémoire. Ses recherches actives et enthousiastes toutes ces dernières années, les très nombreuses amitiés qu’il a nouées en Pologne, ont rendu ce voyage très vivant, intéressant et humain. Je veux également remercier Andrée CHAPELLE qui a refait ce voyage avec moi. Un voyage de mémoire, Fernand CHAPELLE, son époux, et Michel LEGRAND, mon père, étant, comme ils le disaient en riant, « frères, ni du même père, ni de la même mère ». Pris tous les deux à Dunkerque en 1940, ils ont passé 4 années de captivité, ensemble, à l’OFLAG II D et II B. Les grèves nous ont fait partir le lundi 6 septembre au lieu du 7 et nous avons été chaleureusement accueillis, à Stettin, par le Docteur Boleslaw Z. PAWLOWSKI, dit Bolec qui nous a offert le gite et le couvert. Le lendemain, départ pour Choszczono (anciennement Arneswalde). Soleil, route bordée de platanes, traversant des paysages magnifiques, ondulés, couverts de forêts ou de champs, de lacs de toutes les tailles. Arrivés à Choszczono pour le déjeuner. Nous retrouvons le Capitaine Adam SUCHOWIECKI qui nous accompagnera également pendant ce voyage, nous recevra chez lui pour un « verre de l’amitié » somptueux et qui nous permettra de visiter l’actuelle caserne de l’armée polonaise qui servit d’OFLAG pendant la 2ème guerre mondiale. Nous allons ensuite à Dobiegniew où se trouvait l’OFALG IIC (Woldenberg), aujourd’hui habité, dont l’un des baraquements est un musée sur les OFLAG polonais. J’y découvre que dans tous les OFLAG, les prisonniers ont eu le même réflexe. Pour ne pas sombrer dans le désespoir et l’oisiveté ils ont organisé des activités culturelles (théâtre, concert…), des cours universitaires (histoire, langues, économie, droit….) et des activités sportives. Au retour, nous nous arrêtons à Bierzwnik pour visiter un cloître cistercien, construit en 1280-1294, « Silva Sancta Maria, Mareinwalde », en bordure d’un lac et qui est en cours de restauration. De retour à Choszczono, nous allons voir la plaque commémorative, à la mémoire des 3000 prisonniers français de l’OFLAG II B, installée sur le presbytère d’une église à côté de la gare. Tour à la gare où ces 3000 prisonniers français ont débarqué un beau matin, en provenance de l’OFLAG II D (Gross Born) pour aller s’installer dans un camp « en dur », plus confortable que le camp en bois qu’ils venaient de quitter. Et où ils ont croisés leurs compagnons d’infortune, les prisonniers polonais de l’OFLAG IIB qui allaient prendre leur place à l’OFLAG II D. Un arrêt au carré militaire du cimetière pour nous recueillir devant les tombes des prisonniers polonais de l’OFLAG IIB, puis nous nous rendons au monument à la mémoire des tous les prisonniers de l’OFLAG II B. Le 8 septembre, nous sommes accueillis avec beaucoup d’amabilité par le maire de Choszczono, (ville de 16000 habitants), qui est en fin de mandat et inquiet des dettes de sa ville. La crise frappe ici comme ailleurs. Puis nous allons visiter la caserne de Choszczono qui héberge une unité d’artillerie. Je découvre ces grands bâtiments (6 constituant le camp + 1 bâtiment administratif hors camp), bordant une immense place carrée, avec les garages derrière les bâtiments 3 et 4 où se sont entassés 3000 hommes... Accueillis avec beaucoup de bienveillance par les deux commandants du camp militaire, l’un partant et l’autre arrivant, nous sommes allés déposer deux gerbes et deux bougies au monument commémoratif de l’OFLAG IIB avant de partager un très sympathique et intéressant déjeuner. Vu la cathédrale de Choszczono et la statue de Jean-Paul II avant de reprendre la route des écoliers… nous traversons des forêts de sapins, puis de pins, puis de hêtres et enfin de pins et de bouleaux, nous longeons différents lacs, le paysage est vallonné… Difficile d’imaginer que toute cette région était sans végétation…. Stérile en quelque sorte…. Drawno, Kalisz Pomorski, Sosnica, Czaplinek bordant l’un des plus grands lacs de la région et arrivée à Borne Solinowo (ex Gross Born), ancien polygone militaire allemand, créé en 1930, comportant de très nombreux baraquements de deux étages (8000 militaires y vivaient), un hôpital (aujourd’hui maison de retraite)…. Devenue base militaire soviétique, elle a été rendue à la Pologne en 1992 qui a décidé de la convertir vers le civil. Nous nous installons dans l’un de ces baraquements, devenu le musée de l’OFLAG IID, remis à neuf et comportant une salle de musée (avec une section de documents, photos et objets ayant appartenu à des prisonniers français, une salle de conférences et des chambres. Le soir, ouverture du colloque par un dîner officiel dans l’ancien hôpital en présence de Mme la Maire de Borne Solinowo. 9 septembre : début du colloque, le temps est devenu gris et il pleut….Différentes présentations sur l’histoire des prisonniers de guerre en Poméranie ; l’organisation nazie du système des prisonniers de guerre pendant la 2ème guerre mondiale ; les prisonniers de guerre dans la zone II de l’Oberkommando der Wehracht ; les insurgés de Varsovie à l’OFLAG IID ; les prisonniers polonais dans le STALAG II B à Hammerstein ; le général Witold Dzierzykraj-Morawski et son séjour dans les camps de prisonniers ; contre le règlement : la coopération de Maksymilian Kreuzinger et Ernest Hein à l’OFLAG II D ; Ltn Edmund Mroczliewicz médecin et conspirateur (1939-1945) ; exhumations sur le terrain de l’ancien OFLAG IID ; essai de reconstitution de l’histoire des cimetières de prisonniers soviétiques du STALAG II H de Gross Born. Vers 16h nous partons sur le site de l’OFLAG IID où se trouvaient les anciens baraquements en bois pour les ouvriers qui avaient construit le polygone de Gross Born en 1930 et dont il ne reste presque plus rien aujourd’hui. Arrivée à l’entrée du camp, aujourd’hui en lisière d’une magnifique forêt. Dépôts de deux gerbes, l’une française et l’autre polonaise, au monument des prisonniers (français et polonais) de l’OFLAG IID, hymnes, et deux gerbes au monument aux morts français avec hymnes. Moment très émouvant. Etienne JACHEET découvre un panneau avec le plan de l’OFLAG et du STALAG qui débute sur une future promenade de mémoire de 3km à travers les deux camps, dans la forêt, que les Polonais sont en train de créer. Nous remontons dans les minibus pour faire le tour du camp et arriver au cimetière soviétique, petites croix en bouleau sous les pins. 450 m plus loin, petit cimetière français et polonais au bord de l’OFLAG IID. Etienne JACHEET nous montre rapidement une colline de 30m environ, où se trouvaient les baraquements en bois dont le baraquement n°4 où ont vécu Fernand CHAPELLE et mon père. Au milieu des arbres, il ne reste que les limites du baraquement, des morceaux de briques éparpillées, des rouleaux de fil barbelés…. La nature a repris ses droits et je pense que Fernand et mon père, tout deux très attachés aux arbres, auraient été ravis de voir que la forêt avait investi ces lieux sinistres. Retour en ville avec un arrêt dans l’ancien cinéma soviétique redevenu l’église qu’elle était. Là, a été signée la rétrocession de la base soviétique à la Pologne. Dans cette église se trouve un triptyque en bois sculpté, papier mâché et métal réalisé au cours de sa captivité à l’OFLAG IID, par M. ZAMOJSKI, devenu un peintre-sculpteur polonais renomé. L’autel a été réalisé avec des briques et des pierres provenant de l’OFLAG IID. 10 septembre, le colloque se poursuit. Les mémoires de Zdzislaw Zagloba-Zygler comme illustration de la vie culturelle et éducative à l’OLAG IIC Woldenberg, témoignage sur le sort de son père, M. Matejuk, prisonnier de guerre à l’OFLAG IID ; état des recherches sur les prisonniers de guerre dans les camps de Hammerstein ; les prisonniers polonais dans le STALAG IIB à Hammerstein, les prisonniers français à l’OFLAG IIB d’Arnswalde par Magadalena KRUK-KUCHINSKA ; les courants de pensée en Poméranie centrale ; les activités de l’OFLAG IID et IIB depuis le voyage en Pologne sur les lieux des deux camps en 1993 par Etienne JACHEET. A l’issue de son intervention, Etienne JACHEET remet, au nom de l’association, à Darius CZERNIAWSKI, directeur du musée, un exemplaire du livre sur l’OFLAG IID- BLOCK IV. Dans l’après-midi nous partons pour Czarne (Hammerstein). Accueil dans les salons du camp militaire polonais où est présentée une exposition de photos sur l’aspirant Zobozu JENIECKIEGO, fait prisonnier en 1939. Ayant réussi à s’échapper en Roumanie, il a rallié la France où il s’est enrôlé après une formation à Coëtquidan et a été fait à nouveau prisonnier par les nazis. Infirmier à l’hôpital d’Hammerstein, il gagne la confiance des médecins nazis qui l’autorisent à sortir. Il entre en contact avec la résistance polonaise, démasqué il est fusillé à Mauthausen. Son fils, citoyen américain, revenait pour la 1ère fois en Pologne, très ému. Nous visitons ensuite le cimetière où sont enterrés 2500 prisonniers du STALAG, de toutes nationalités dont des français et des polonais. Puis nous contournons le camp pour arriver sur un terrain d’entrainement de l’armée polonaise, lande immense, où se trouvait le STALAG des Soviétiques, qui, maltraités par les nazis, ont tous été tués. Vu le cimetière où ils sont enterrés et qui comporte un mémorial aux 65 000 morts de ce STALAG. Dépôt d’une gerbe polonaise. Enfin, retour vers la prison, et arrêt au monument aux morts russes de 1914-1918. Visite de la prison pour voir l’allée pavée, unique vestige du STALAG. Etienne JACHEET, Gabriela SMOLIJ et M. JENIECKIEGO junior sont emmenés dans le camp, voir l’ancien hôpital du STALAG où le Lieutenant André RABIN est mort. 11 septembre. Le soleil est revenu. Retour sur le site de l’OFLAG II D. Vu le site d’épuration des eaux, le lac où les prisonniers ont eu le droit de prendre un bain, le lavoir, l’emplacement de la chapelle. Puis l’après-midi, visite de la ville de Borne Solinowo : les quelques vieilles maisons du village de Linde, village initial ; les maisons des généraux en bordure du lac, les bâtiments au carré, le musée…. Pour conclure, je voudrais aussi tout particulièrement remercier nos amis polonais pour leur accueil chaleureux, amical, prévenant, et plus particulièrement, le Dr Boleslaw Z. PAWLOWSKI , Adam SUCHOWIECKI, Gabriela SMOLIJ qui nous a servi d’interprète pendant la totalité de notre séjour, et Darius CZERNIAWSKI, le directeur du Musée sur l’OFLAG II D à Borne Solinowo qui nous a accueillis chaleureusement. Comme le disait Jean MONNET : « La grande révolution européenne de notre époque, la révolution qui vise à remplacer les rivalités nationales par une union de peuples dans la liberté et la diversité, la révolution qui veut permettre un nouvel épanouissement de notre civilisation, et une nouvelle renaissance, cette révolution a commencé avec la Communauté européenne du charbon et de l’acier. » Ce colloque qui a rassemblé des personnalités polonaises, allemandes et françaises, a été l’illustration de cette paix retrouvée et acceptée, de cette convivialité dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Mais que la mémoire reste vivante pour que cette horreur ne recommence plus jamais.

Elisabeth LEGRAND