" Cher Monsieur JACHEET, 
      Je suis l’épouse du Docteur KOWALEWSKI, et à cause des blessures reçues par   mon mari en POLOGNE pendant 
      la captivité (voir plus loin le récit du   bombardement de Gross-Born en 1943), c’est moi qui vous écrit.  
Il n’a plus qu’un   œil plus ou moins en état, mais qui est attaqué par un glaucome et est atteint   par la cataracte. 
Il est donc presque aveugle. Néanmoins, de parler avec vous   par téléphone et de se rappeler ses souvenirs anciens de ses contacts avec les   français (les seuls bons souvenirs de sa captivité), lui a procuré beaucoup de   plaisir. 
Donc il va vous raconter son histoire et je suis son porte-plume.   « Durant toute la guerre j’ai tenu une correspondance régulière avec ma mère.   Cette correspondance a été retrouvée après sa mort et a permis de créer un petit   livre contenant des photos prises dans les camps de prisonniers, Oflags IIB   d’Arnswalde et IID de Gross-Born-Linde durant les années 1939 à 1945. Durant   cette période, la Pologne était occupée par 
les allemands. Je parlais souvent   avec des officiers Français qui sont arrivés dans notre camp, l’Oflag IIB 
à   Arnswalde, lors de la capitulation de la France. Ces prisonniers ont été placés   dans des camps déjà existant, entre autre le nôtre. Voici quelques informations   concernant les contact entre Polonais et Français qui ont été racontés dans ce   livre publié en Pologne par l’époux de ma sœur SOPHIE, WOICIECH MILKE, Docteur   en commerce maritime. Peut-être cela vous intéressera de connaître l’histoire   militaire du soldat KOWALEWSKI (donc moi). D’abord une sorte d’introduction   concernant l’histoire d’un prisonnier de l’Oflag IIB-IID.  
Je suis né à   SAINT-PETERSBOURG, capitale de la Russie Impériale, en 1913. Je suis le   descendant de Polonais déportés de la Pologne occupée par les russes après   l’insurrection de 1863. Pendant la révolution russe, 
ma mère, ma sœur et moi   avons été envoyés en Sibérie, à CZELIABINSK. Mon père a été arrêté et envoyé aux   îles SOLOWIECKI, situées dans la mer blanche, au nord de la Russie. En 1919, ma   mère, ma sœur et moi avons été libérés et nous avons pu retourner en Pologne, un   peu avant le début de la guerre de libération contre la Russie soviétique en   1920. Nous avons tous trois survécu, sans mon père. Ma mère est alors devenue   institutrice 
dans un village où j’ai fait mes études primaires, et dans une   autre ville, ATHENEE. Ensuite j’ai déménagé 
à VARSOVIE pour attendre l’entrée à   l’université. Après une maîtrise de philosophie j’ai suivi mon service militaire   et l’école d’officiers de réserve comme spécialiste des mitrailleuses lourdes et   canons anti-chars. 
Après cela, chaque année au cours des vacances d’été, je   devais suivre un mois de manœuvres militaires.  
En 1939, j’ai été mobilisé lors   des bruits de guerre et versé dans un régiment d’infanterie près de la frontière   soviétique. Entre temps le pacte d’amitié avec hitler avait été signé et le   traité de paix avec la Pologne avait été annulé. La Pologne se trouvait envahie   jusqu’à la rivière « BUG ». Naturellement, au début de septembre 1939, la   Pologne a été envahie par les armées nazies. Le pays a été détruit par les   bombardements. 
Nous n’avions pas le temps de prendre de repos. Nous avons perdu   totalement notre aviation et nous avons vu nos villes et nos villages détruits.   Nous avons assisté à la destruction progressive de nos armées. 
Pour ce qui me   concerne, j’ai participé à plusieurs batailles contre différents adversaires,   ukrainiens 
et biélorusses, ainsi que contre les allemands. Après le 17 octobre   1939, nous avons eu à combattre 
aussi l’armée soviétique. J’appartenais au   groupe « POLESIE », armée isolée du Général KLEEBERG, organisée avec des soldats   appartenant à plusieurs régiments détruits. Nous étions regroupés à l’est du   pays et désirions encore nous battre. Mon peloton possédait encore trois   mitrailleuses mais sa composition en hommes changeait tout le temps. La marche   du « groupe KLEEBERG » vers VARSOVIE n’avait aucun sens car notre capitale était   occupée depuis dix jours, mais notre général n’avait pas de radio et donc ne   connaissait pas la situation.  
Nous avons marché jours et nuits pressé par les   chars soviétiques et traqués par les avions russes jusqu’à 
la rivière   « BUG ».Après la traversée de celle-ci, les batailles ont continué contre les   allemands. 
Notre général KLEEBERG a dû capituler lors des combats près de la   ville de « KOCK », le 6 octobre 1939, 
par manque de nourriture et de munitions.   La captivité a donc commencé le 6 octobre 1939 pour le dernier groupe actif de   l’armée Polonaise. Je me suis alors retrouvé à Arnswalde après avoir passé   quelques semaines vivant sous des tentes surpeuplées, dans la boue et sous la   pluie, misérable et gelé. Arnswalde était une belle caserne allemande,   extraordinaire et surprenante après le passage dans la misère extrême, presque   luxueuse. 
Le camp, Oflag IIB était déjà organisé en 1940 quand les officiers   prisonniers Français sont arrivés 
après la capitulation organisée par le général   PETAIN. C’est pour ces deux raisons que cela a été facile pour moi et eux de   sympathiser car je parlais français et je faisais partie de l’infirmerie. Dès le   début, j’ai fait partie du personnel officiel de notre hôpital, en charge du   laboratoire de diagnostique, avec un bon microscope et un peu 
de matériaux pour   biochimie élémentaire (hématologie, étude des sucs gastriques, bactériologie).  
Les officiers français visitaient aussi notre laboratoire et nous avions   d’autres occupation plus frivoles. 
Ma connaissance de la langue française était   un facteur important, cultivé grâce à ma mère depuis l’enfance 
et approfondi à   l’université. Comme vous le constaterez en regardant les photos ci-jointes, je   suis souvent  
en compagnie de prêtres, parce que j’ai passé mes années de   collège, jusqu’à l’examen final avant l’université, 
avec les religieux   marianistes et finalement au petit séminaire du diocèse de l’évêché de PODLASIE   (SIEDLCE). De ce fait, c’est pour cela qu’au camp j’ai spécialement aidé les   prêtres Français. Ils étaient quelques dizaines 
de soldats prêtres placés dans   les grands garages de la caserne, ainsi qu’un peu d’officiers de l’armée   française 
qui avaient été mobilisés, une partie venant même d’Angleterre pour   participer à la guerre.  
Les explications des photos vous donneront une idée sur   ce sujet. Vous connaissez bien la vie des Français 
dans l’Oflag IIB, donc je   n’ajoute rien. Lorsque nous avons dû quitter le camp, cela a été pour nous un   très triste événement. Arrivés à l’Oflag IID (Gross-Born), tout a changé.   L’amitié, la camaraderie, le confort, 
ont été perdus. Nous sommes tombés dans   l’hostilité, le froid, les punaises et les poux. Le camp ressemblait 
plutôt à un   camp de concentration, peuplé seulement par des Polonais soldats et officiers.  
En 1943, les russes ont bombardé le camp et il y a eu de lourdes pertes,   infirmiers, patients, soldats tués 
ou brûlés vifs. J’ai été moi-même blessé,   aveuglé et j’ai passé plusieurs mois dans des hôpitaux divers, 
entre autre un   hôpital Français à HAMMERSTEIN, avec des soldats de France et du Canada.   Brusquement, 
au début de janvier 1945, on nous a mis en marche, allant vers   l’ouest en colonnes de 700 à 900 prisonniers. 
Ce fût terrible, dans la neige,   faisant environ 30 Km par jour. Progressivement nous devions nous débarrasser 
de   nos possessions, car elles étaient trop lourdes et nous étions affaiblis et   bousculés par les gardes, souvent des SS ou de vieux vétérans nazis. Cette   marche a été parsemée d’exécutions d’officiers qui arrêtaient la marche 
ou la   ralentissaient. J’en connais mieux les détails que les autres car j’étais   l’officier sanitaire du groupe. 
Je marchais avec le sac médical contenant opium,   aspirine, pansements (grippenmittel), donc très pauvre 
en composition. J’étais   accompagné par deux aides. Chaque jour, après la fin de la marche, 
je devais   examiner les pieds, les rectums, etc… et essayer de sauver les très faibles   d’une fin prévisible.  
Après plusieurs semaines de marche, nous sommes arrivés à   SANDBOSTEL, un ancien camp de concentration, organisé à ce moment pour les   officiers alliés. Tous, depuis trop longtemps, étaient affamés. Ensuite,   quelques officiers Polonais, de la cavalerie surtout, avec quelques officiers   d’état-major, ont organisé une marche vers LUBECK, au nord. Je les ai accompagné   comme officier sanitaire volontaire – ASSISTANT-ARTZ. 
Cette marche, pour   changer, a été plaisante et le séjour dans le camp des officiers alliés,   (Anglais, Américains, Polonais), relaxant. Ensuite nous avons été libérés par   les chars de l’armée Polonaise (faisant partie d’une division Anglaise), le   matin du 2 mai 1945. C’est intéressant car le 3 mai est la fête nationale de   Pologne.  
Après la libération, j’ai été nommé « CONTACT MEDICAL OFFICER »   travaillant avec le commandant sanitaire de « TRAWEMUNDE » au nord de LUBECK.   J’ai été là-bas chargé de l’hôpital pour des ex-prisonniers, 
surtout des slaves.   Après la fin d’août 1945, j’ai été envoyé à BRUXELLES, en Belgique. Le seul pays   libéré qui 
a accepté de recevoir des anciens prisonniers des camps allemands,   qui leur permettait d’entrer dans les universités pour commencer ou terminer des   études. Je me suis inscrit à l’université libre de BRUXELLES,dans deux   facultés, celle d’art et celle de médecine. Il me manquait, en médecine, après   l’évaluation réalisée 
par la faculté de médecine, la spécialisation en chirurgie   et accouchement, (nom officiel de la faculté), 
soit deux ans ou les 6ème et 7ème   années. A la faculté d’art, je désirais finaliser ma préparation du doctorat 
en   philosophie et lettres. Pour assurer mon existence, j’ai pris un travail comme   technicien de laboratoire, ramassant des échantillons de sang, d’urine. Au mois   de juin 1947, j’ai défendu publiquement mon doctorat 
en philosophie et lettres.   Au cours de la même semaine, j’ai reçu mon diplôme en médecine.  
Plus tard, dans   la même année, j’ai obtenu aussi un certificat en médecine tropicale à ANVERS,   pensant 
peut-être plus tard travailler au Congo Belge. J’ai fait toutes mes   études en Belgique en portant un uniforme (battle-dress) reçu en Allemagne de   mon patron là-bas, un médecin militaire anglais, le Major PERCY. 
Après je me   suis lancé dans la vie civile et j’ai essayé de ne plus penser à ma captivité.   J’ai émigré en 1952 
au Canada et j’ai complété encore un peu ma formation en   devenant un spécialiste en endocrinologie 
mais j’ai terminé comme professeur en   chirurgie expérimentale à l’université d’EDMONTON, dans la province de   l’ALBERTA. Voilà mon histoire. J’espère que cette longue lettre vous intéressera   ainsi que les photos. 
C’est avec grand plaisir que j’ai fait votre   connaissance. "  
Signé : K. KOWALEWSKI 
       
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    1er octobre 2002 
" Cher Monsieur JACHEET, 
  De nouveau j’écris pour mon mari et cela en réponse à votre lettre du 26 août   qui est arrivée il y a déjà plus 
  de deux semaines. Nous vous remercions pour les   informations concernant les deux Oflags IIB d’Arnswalde et IID de Gross-Born -   Linde, dans lesquels certains officiers Français et Polonais ont passé leur   captivité entre 1939 
  et 1945. Je vous ai donné dans ma précédente lettre   certaines informations sur notre vie commune avec les officiers Français à   Arnswalde. Cela a été un épisode probablement peu connu par votre association   des anciens Officiers Français prisonniers. Pour nous, votre dernière lettre a   été une révélation car je ne connaissais pas 
  cette histoire au sujet des   français qui maintenaient le contact avec les lieux des deux camps. 
  Merci aussi   de partager notre lettre avec Monsieur le Général Simon. 
Je vais essayer maintenant de répondre à vos questions. 
      A : concernant la marche vers l’ouest des Officiers Polonais de l’Oflag IID   de Gross-Born - Linde vers Sandbostel ; au moment du départ, au début de janvier   1945, le camp comptait environ 4000 Officiers Polonais. 
      Seulement à peu près   3000 officiers ont quitté le camp, divisés en colonnes de 500 à 700 prisonniers,   gardés 
      par environ 100 soldats ennemis. Chaque colonne était commandée par un   officier voyageant dans une voiture ou monté à cheval. On marchait environ 30   kilomètres par jour, en général non loin d’une chaussée et dans la neige. Après   quelques jours de marche, les prisonniers abandonnaient leurs valises ou leurs   sacs à dos car cette marche était extrêmement fatigante. 20 % des prisonniers   ont abandonné progressivement, ce qui provoquait une mort immédiate due à   l’épuisement, pieds gelés, etc.... Certains ont été envoyés par train à   Sandbostel, d’autres ont été emprisonnés de nouveau dans d’autres camps, ou ont   disparu dans les mains des S.S. 
      Je suis resté seul comme médecin-assistant en   charge de la santé d’une colonne, aidé par deux soldats brancardiers polonais et   chargé du sac médical. Je marchais comme une « ambulance pédestre », appelé pour   aider les évanouis, ou ceux trop faibles pour marcher. A la fin de la marche,   chaque après-midi, je devais aider les malades, examiner les pieds, donner le   peu de médicaments que j’avais ou faire des pansements. 
      Souvent je devais me   débrouiller à chercher des produits sanitaires dans des pharmacies militaires,   surveillées par les soldats, gardiens de la colonne. Vers le mois de mars 1945,   nous sommes arrivés à Sandbostel, un ancien camp de concentration, qui contenait   à ce moment-là une masse de prisonniers de différentes nationalités, en mauvais   état, très affamés. Ils espéraient une libération par les armées alliées. Alors   un groupe d’Officiers Polonais a proposé à l’autorité du camp de former une   colonne de volontaires pour marcher et rejoindre Lübeck. A peu près 450 soldats   ont quitté ce terrible camp. J’ai été accepté comme médecin-assistant de cette   nouvelle colonne. Pour moi, ce fut la meilleure période de toute ma captivité.   La colonne était commandée par un ancien officier, originaire de Pologne, mais   de nationalité allemande (octobre 1939), obligé de devenir Officier Allemand. Il   était très humain et essayait d’obtenir pour nous des colis américains, empilés   dans les magasins des stations de chemins de fer, et réservés par les nazis pour   donner au peuple allemand après la victoire « espérée ». Arrivés à Lübeck, au   camp international d’officiers alliés, nous avons été libérés par les anglais 
      et   par un bataillon de Polonais de l’armée du Général Maczek, le 2 mai 1945. 
      B : Bombardement de Gross-Born – Linde, 1943. 
      Au moment du bombardement, nous étions environ 5000 Officiers Polonais dans   le camp, dont le plan est connu par les Français comme « locataires »   précédents. Comme membre actif médical, j’habitais dans le complexe 
      des baraques   sanitaires comprenant, salle d’attente, chambre d’examens auquel était attaché   le laboratoire ainsi que les deux baraques de l’hôpital contenant vingt-cinq   lits. J’étais en charge du laboratoire contenant un bon microscope et un   équipement permettant de faire un peu d’hématologie, de bactériologie et de   biochimie, mais à un niveau très primitif, (sondage gastrique, groupes sanguins,   certaines infections bactériennes, diagnostiques). Par exemple, il y avait   soixante-dix cas de malaria par des moustiques infectés rapportés par les   soldats allemands arrivés pour une période de repos, et qui venaient du front   africain. Le résultat : malaria clinique dans la population civile et chez les   prisonniers de notre camp. Lors du bombardement, les bombes sont tombées surtout   sur les baraques médicales pourtant bien éclairées avec le signe de la   Croix-Rouge sur les toits. Les avions soviétiques volant vers l’ouest ont donc   envoyé peu de bombes sur le camp lui-même. Toutes les baraques du centre   sanitaire ont brûlé. Des dizaines de brancardiers polonais ont brûlé vif, car   des portes se trouvaient bloquées. La baraque de l’hôpital s’est effondrée. Nous   avons aidé à sortir des ruines beaucoup de blessés, surtout à la tête, aux   épaules, et dans le dos. La majorité des patients de l’hôpital ont été tués ou   blessés. Mes camarades essayaient de sauver ceux qu’ils pouvaient. L’ami qui m’a   sauvé a perdu lui-même la vie en aidant les autres. Des camions allemands ont   alors transporté les blessés à un grand hôpital de l’armée allemande pour triage 
      et soins. J’ai été classifié comme "aveugle" et ai été envoyé cette nuit-là à   Hammerstein (hôpital pour les soldats français). Vous parlez de cet hôpital dans   votre lettre. Donc j’ai été soigné par le médecin de cet hôpital. 
      Je suis resté   là-bas environ quatre mois puis je suis retourné à l’infirmerie du camp pour   poursuivre 
      mon travail. 
      C : Histoire des officiers français emprisonnés par les nazis en 1940 et   après. 
      I : Les notes que vous m’avez adressées, "Sur la route du camp", (écrites par   le Lieutenant Maurice Guillon 
        en juin 1940), représentent un très précieux   document qui est fascinant pour une masse d’anciens prisonniers 
      de guerre. Au   moment où le Lieutenant Jacheet, du 113ème régiment d’infanterie quittait Blois,   votre correspondant K. Kowalewski était déjà mobilisé depuis deux semaines et en   guerre depuis le 1er septembre. 
      Les actions contre les envahisseurs nazis,   auxquelles je participai moi-même, ont changé le 17 septembre, 
      jour de   l’invasion de la Pologne par l’armée soviétique. J’étais près de la frontière à   l’ouest de la Pologne. 
      La résistance des fantassins contre les chars russes fut   pathétique, mais a duré tout de même deux semaines. 
      Notre route vers l’ Oflag   IIB a commencé le 6 octobre 1939. 
      II : Commentaire général. Nous avons étudié l’histoire de la vie collective   des officiers français prisonniers qui ont passé cinq ans en captivité dans nos   anciens camps. La plaquette de votre amicale, que vous nous avez envoyée,   représente un vrai trésor pour nous, avec ses soixante-huit pages de texte et   plus de vingt pages 
      de photos et dessins (mais quel travail !!) Pour les   français qui ont survécu, quel bonheur de retrouver une patrie accueillante qui   les attendait. Pour les polonais qui ont survécu à la captivité dans ces camps,   il n’existait plus 
      de patrie. La Pologne est devenue une colonie soviétique et   une place de persécution pour les ex-soldats venant des armées alliées, et même   de plusieurs ex-prisonniers, officiers de l’ancienne armée Polonaise. 
      Les sièges   des Oflags IIB et IID sont devenus des régions de différentes casernes de   l’armée soviétique qui a occupé la Pologne plus de quarante années. Depuis la   libération, et après un séjour de sept ans à Bruxelles, 
      dont  je vous ai   parlé dans notre précédente lettre, je n’ai plus pensé aux anciens camps. 
      Pourtant ma famille vivait depuis 1946 à Szczecin, située non loin d’Arnswalde   et de Gross-Borne - linde. Même pendant mes visites 
      à Szczecin, (Stettin en   Français), après 1950 jusqu’en 1975, la question des camps n’existait plus pour   moi (l’oubli guérit). Et c’est seulement lorsque j’ai reçu des informations sur   l’activité de votre association en Poméranie, dans la presse polonaise puis dans   la correspondance avec vous, que mon intérêt a été renouvelé. Merci encore pour   tout ce que vous avez fait et c’était un grand plaisir pour moi. Je suis   Canadien depuis de longues années mais pour un Polonais la patrie reste toujours   dans son cœur. Le Canada a été bon pour nous 
      et nous sommes heureux ici malgré   les terribles hivers. Mais on s’habitue à tout. Pour le moment, l’automne ici   n’aura pas duré longtemps. Les feuilles tombent, et du fait qu’il gèle toutes   les nuits, déjà parfois à moins 5° C, nous n’avons pas souvent le plaisir de   voir les couleurs comme en Europe. Il y a eu déjà de la neige à Calgary 
      qui est   bien plus au sud. Cela nous « pend au nez » bientôt. Mais cela nous donne de   l’exercice à nettoyer des masses de neige. Ma femme a 80 ans. Elle conduit   encore et est un as de la glace. Elle conduit depuis 1968 
      et n’a jamais eu un   seul accrochage. 
      C’est « honteux » de me mettre en valeur, mais il est vrai que conduire ici   l’hiver, ce n’est pas rien. L’été aussi avec « les grosses légumes » de dix-huit   roues avec « trailers double ». Les « trailers triples » comme aux États-Unis ne   sont pas autorisés au Canada. 
      Après ce petit mot personnel, je répète, avec mon mari, comme de correspondre   avec vous nous a fait plaisir. 
      Salutations à votre épouse également. 
      À bientôt peut-être." 
      Paule KOWALEWSKI-BERNIER K. KOWALEWSKI 
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