Les Camps
La Vie de la Paroisse Catholique
D’après l’étude de l’abbé Flament, il y a eu au début à l’Oflag IID, douze aumôniers militaires qui avaient été capturés. Normalement considérés par la convention de Genève comme personnel sanitaire, ils auraient dû être libérés sans délai. En fait, cette libération n’est intervenue qu’à la fin de janvier 1941. Des douze aumôniers qui eurent la charge de créer la vie religieuse au camp, quatre ont laissé une empreinte particulière. Le père des Places, jésuite, le premier qui s’est chargé de l’organisation des catholiques et, dans cette tache, il a été aidé par l’abbé Roulin, de Rennes, dont le rôle a consisté à négocier auprès du cantinier Schmidt l’approvisionnement en vin de messe.
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Le célèbre père DUPAQUIER
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Le père Sortais était abbé de la Trappe de Bellefontaine. Après un séjour de quelques semaines, il s’était acquis au bloc II, un ascendant extraordinaire - et les prisonniers de son bloc, qui avaient la chance de bénéficier de la grande salle de la cantine, ne sont pas prêts d’oublier la messe de minuit de Noël 1940. "La grande salle de théâtre de la cantine devient vite le lieu des messes chantées du dimanche et des fêtes. Sur la scène, un autel fait de bancs est dressé face au peuple, drapé dans de lourdes tentures de velours rouge et bleu. C’est là que, pour Noël 1940, le R.P. Sortais chantera une messe pontificale. Mitre, crosse, bougeoirs, tout a été fabriqué par des artisans du camp" - (14) Sur nos douze aumôniers, onze ont été rapatriés en janvier 1941. Un seul a refusé de partir et a tenu à partager notre captivité quelle que soit sa durée : il s’agit de l’abbé Dupaquier. Laissons Roger Ikor en faire le portrait :
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"--- un homme qui refusa le rapatriement et parvint même, je ne sais comment, à demeurer parmi nous jusqu’au bout, malgré les efforts des allemands pour l’expulser. Oui, les allemands voulaient le renvoyer car il les embarrassait et ils n’y parvinrent pas. C’est incroyable, mais vrai. L’abbé Dupaquier était aumônier militaire et ancien combattant de 14 : c’est à ce double titre qu’il aurait dû être rapatrié. Il fut pour nos gardiens l’enquiquineur rêvé. Il les engueulait quand c’était nécessaire, et même quand ce ne l’était pas tout à fait. Eux ? Désarmés devant lui évidement ; il les avait forcés au respect. Le hasard avait fait que l’abbé Dupaquier se trouvait dans la même chambre que moi ; son numéro matricule suivait le mien : 346 et moi 345.
Ce qui, aux appels nominatifs, produisait invariablement la petite scène que voici : nous défilions devant une table, appelés dans l’ordre de nos matricules par l’officier allemand - j’essaie de restituer l’accent : "- Letokwart...Ikouor ... Dupaq ... oh ! Verzeihung !" Devant la soutane qui venait d’apparaître, l’officier, s’interrompait, bredouillait, s’excusait, saluait deux, trois et cinq fois, pendant que l’abbé riait sous cape et nous, un peu plus ouvertement. "Au physique, c’était un homme de courte taille, râblé, un peu voûté, arborant un perpétuel sourire de paysan matois, et doté du plus bel accent bourguignon que j’ ai jamais entendu. Pas ombre de prosélytisme en lui, au contraire, il se défiait des vocations qui flambaient çà et là comme une botte de paille, jamais il ne provoqua dans la chambre la moindre discussion de religion, et on le voyait même filer discrètement quand s’en amorçait une. Une plaisanterie voulait qu’un jour, devant l’afflux de ses ouailles, il aurait pris à part son compagnon de châlit, le médecin C. .. parpaillot si je ne m’abuse, et lui aurait demandé de lui "débroussailler ses pénitents". En tout cas, une de ses formules favorites était : "Moi qui n’suis qu’un pov’ curé de campagne .. " "Mais pour le dévouement actif, il était inlassable. Je ne citerai que deux faits pour achever de peindre l’homme. Des candidats à l’évasion avaient caché des vêtements civils sous l’autel. Le père Dupaquier était censé l’ignorer, mais il fallait voir avec quelle vigueur il chassait les fouineurs allemands qui s’avisaient de pousser leur nez par là. Ses coups de gueule étaient célébrés dans tout le camp, comme les balbutiements devant lui de ses interlocuteurs allemands. " ... Un peu plus tard, il se trouva qu’un camp de prisonniers soviétiques fut installé tout près du nôtre et je conterai le moment venu les horreurs qui s’y déroulèrent et dont nous fûmes les témoins. Le père Dupaquier, tout de suite, sous prétexte de visiter, comme il en avait arraché le droit, les commandos français de la région, se rendit au camp des russes. Et ce diable d’homme parvint à y pénétrer, pas seulement une fois, et je fiche mon billet que ce n’était pas pour porter aux malheureux de pieuses consolations, mais bien du pain et des vivres collectés chez nous. Pour transporter ces denrées, il fallait des hommes : il se fit donc accompagner dans ses visites par des hommes de troupe français. Tout cela qui parait incroyable est vrai. Et l’ on comprend bien que si tous ces secours étaient par force limités, une goutte d’eau par rapport aux besoins, la visite d’un témoin de cette qualité et qui parlait haut, devait bien exercer sur les bourreaux un certain effet d’intimidation. "Voila très sommairement ce qu’était le père Dupaquier, mort à présent hélas ! L’athée que je suis, peut le saluer avec une émotion parfaitement pure. Si un jour l’Eglise s’avisait de le canoniser, je témoignerais sans une hésitation ... "(15). Pour compléter ce portrait, il faut préciser que, lors de notre retour vers la France, passant par Bergen, il s’est porté comme aumônier volontaire au camp de déportés de Belsen que nous venions de découvrir. Puis, à son retour, son état de santé ne lui a pas permis de partir pour l’lndochine comme il l’avait demandé. II est mort à Dijon, dans la maison de retraite des prêtres. Les aumôniers militaires n’étaient pas les seuls prêtres au camp : il y en avait également un grand nombre parmi les officiers prisonniers. Dans sa thèse, l’abbé Flament dit avoir retrouve 209 noms de prêtres, religieux et séminaristes passés par le camp. Mais les allemands en ont fait très rapidement le recensement et la plupart d’entre eux ont été envoyés dans d’autres camps et en particulier à Lübeck. L’abbé Flament écrit en 1957 : "L’Oflag se trouva tout a coup privé d’éléments imposants de son clergé. Sans prétendre effectuer un choix et imposer un classement de valeur, les plus en vue étaient alors : le chamoine Chanson, directeur du Grand Séminaire d’Arras et chargé de cours aux séminaristes au camp : Dom Colliot, o.s.b actuellement abbé de Kerbeneat -Plouneventer (Finistère) (*) ; l’abbé Didier, professeur à la faculté catholique de Lille, aujourd’hui doyen de la faculté de Théologie ; l’abbé Froidevaux, professeur à l’institut catholique de Paris ; l’abbé Jeanjacquot, supérieur du Petit Séminaire de Paris ; enfin l’abbé Garrone, alors directeur du Grand Séminaire de Chambéry, aujourd’hui archevêque de Toulouse". (16) Aprés ces départs massifs, il ne restait à l’Oflag IID que treize prêtres dont un aumônier volontaire, le père Dupaquier, deux anciens combattants, un malade rapatriable et neuf prêtres combattants. A Arnswalde, sont arrivés en plus quatre prêtres venant de Schubin, quatre de Schocken et sept de Montwy mais dont plusieurs ont été ensuite dirigés vers Lübeck. A Gross Born, avant que ne soit établie la libre circulation entre les blocs, chacun de ceux-ci avait son aumônier, alors qu’à Arnswalde, l’aumônerie générale était établie au bloc I, mais on a tout de même maintenu une aumônerie par bloc, puisque ceux-ci étaient fermés la nuit -à partir de 20 heures. Cela nous amène à parler des lieux de culte. Nous avons vu que pendant les premiers mois de la captivité et jusqu’en mars 1941, les blocs étaient isolés et on ne circulait de l’un à I’autre que muni d’un "Ausweis"(*) ou d’un brassard blanc. II fallait donc avoir un lieu de culte dans chaque bloc. Pendant les premiers jours, en été, les messes ont pu être dites en plein air, entre deux baraques, ou, le dimanche, sur l’esplanade de l’appel. Mais l’été poméranien est court et bien vite il a fallu se préoccuper d’un lieu à l’abri des intempéries. Au début, la variété de ces lieux a été grande, depuis la "Kohlen Schuppen" (traduisez la soute à charbon) du bloc I jusqu’à la somptueuse salle de spectacles mise à la disposition du bloc II pour les dimanches. Peu à peu la situation s’est améliorée avec le départ de prisonniers vers d’autres camps ou vers la France, ce qui a permis de libérer quelques locaux. Au bloc III, c’est l’arrière-cantine, utilisée d’ ailleurs dès le début qui deviendra le cadre des messes quotidiennes, alors que pour les dimanches et jours de fêtes, la salle de conférence est mise à la disposition du culte catholique. L’aménagement le plus original a été réalisé au bloc IV, lorsqu’une des grandes baraques, la B, a été définitivement affectée à la chapelle. Crouzillard, architecte qui s’était entouré d’une équipe et qui avait donné les preuves de son talent dans la réalisation de décors pour le théâtre, s’est chargé de réaliser cette chapelle : "---Dans une crypte romano ogivale, il édifia un très beau maître-autel, sobre, avec des chandeliers trapus, un tabernacle plat sculpté par le lieutenant Pierre : un des panneaux portait l’anagramme du Christ, un autre le mot "pax", les deux derniers un brin d’olivier symbolisant la paix victorieuse et une branche de chêne : Da robur. "Derrière le prêtre qui célébrait face au peuple, un vitrail en couleurs : "la marche à l’étoile" reproduisait la verrière des Rois Mages de Chartres. La transparence du vitrail était obtenue par un éclairage électrique. A gauche, au-dessus de la porte de la sacristie, une statuette de Notre-dame de l’Espérance ; statuette en "papier mâché", modelée par Fitz, camarade israélite, et pour la réalisation de laquelle toute une livraison du fameux "Trait d’Union"(**) s’était pieusement transformée. "A droite, derrière deux baies décorées de grilles en carton simulant le fer forgé, se tenait la schola animée par des camarades du camp. Enfin quatorze stations dessinées figuraient le chemin de croix sur les parois de la baraque. "Le vitrail avait été fabriqué avec une patience admirable, à l’aide de papier cellophane reçu dans les colis. A l’occasion de la bénédiction de la chapelle par l’abbé Bruneau, le "curé" du bloc I - IV affirmait à Crouzillard que, tout comme les bâtisseurs de cathédrales, ils auraient le droit de se faire ensevelir sous l’autel. . " ... Cette chapelle Notre Dame de l’Espérance sera léguée intacte aux Polonais qui nous remplacèrent à Gross Born au mois de mai 1942 et qui la baptisèrent aussitôt... "la Cathédrale".(17)
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PIERRE FLAMENT au Pere DUPAQUIER
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A l’Oflag IIB, à Arnswalde, la situation était très différente, on pouvait circuler librement d’un bloc à l’autre, du moins jusqu’à 20 heures. Il devenait donc inutile d’avoir un lieu de culte dans chaque bloc et c’est la grande salle de gymnastique, la "Turnhalle" qui, dotée déjà par nos prédécesseurs d’un autel, va servir de lieu pour les cérémonies des dimanches et des jours de fêtes, ainsi que, au début, pour les messes matinales quotidiennes. Mais, quand le froid devint trop rigoureux, l’aumônier Dupaquier obtint des allemands que ces messes puissent être dites dans le réfectoire pratiquement inutilisé. Pour les grandes messes du dimanche, le décor de l’autel a été aménagé et une grande fresque "les Saints de France" réalisée par Lambert-Naudin à l’occasion de l’exposition des Missions, y fut installée de façon définitive. Au bloc I, une pièce dans les combles fut aussi aménagée en oratoire où le Saint Sacrement était exposé toute la journée, sauf le dimanche, où cette pièce était utilisée pour le culte protestant. Enfin, le dimanche matin, dans l’élargissement du couloir qui faisait face à l’infirmerie, au bloc III, une messe était dite à l’intention des malades qui, d’ailleurs, n’étaient pas les seuls à y assister.
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Cette image a été réalisée par le Lieutenant Raymond MESNIL à l'occasion de l'inauguration de la chapelle du Block 4, le 14 septembre 1941. Sa fille, Madame Nicole RIVOIRE, nous a donné l'autorisation de mettre en ligne ce dessin réalisé par son Père


Litanies pour les prisonniers de guerre