La décision étant prise début 2003, je propose à Jan PAWLOWSKI, fils de   Bolek, d’emmener son fils avec nous. Thomas a 13 ans et je me dis que ses   parents ne vont pas être d’accord pour nous le confier pour un si long périple.   J’avais tort. La confiance est là. J’avais dit à Jan de réfléchir. Il me   rappelle quelques jours plus tard pour dire que c’est d’accord. Nous récupérons   donc Thomas à « Charles de GAULLE », en provenance de HAMBOURG 
      où son père, Jan,   l’a mis le matin à l’avion. Nous regardons la carte du CANADA. Il serait   intéressant d’aller 
      dans les « ROCKY MOUNTAINS », « les montagnes rocheuses ».   La route est longue depuis WINNIPEG, mais nous n’allons quand même pas rester   trois semaines au milieu d’une plaine de type « BEAUCE » qui s’étend sur plus de   3000 kilomètres. D’ailleurs, après notre arrivée de « Charles de GAULLE » à   l’aéroport de MONTREAL DORVAL, 
      quand nous avons demandé où il fallait se rendre   pour prendre la correspondance pour WINNIPEG (nous n’avions encore fait que les   2/3 du voyage), on nous a d’abord demandé avec l’inimitable accent QUEBECOIS : 
      « mais qu’est ce que vous allez faire à WINTERPEG ? » « voir notre fille »   « mais qu’est ce qu’elle fait à WINTERPEG ? » Je passe sur le séjour de 2 jours   passé à notre arrivée dans cette ville de 700000 habitants. 
      Juste un peu de   géographie. Le MANITOBA mesure 1,2 fois la surface de la France. 
      Il compte 1   million d’habitants, donc si l’on retire les 700000 de WINNIPEG, il n’en reste   que 300000 
      sur 1,2 fois la France ! Nous sortons donc du MANITOBA pour entrer   dans la Province du SASKATCHEWAN, 
      que nous traversons, pour arriver dans celle   de l’ALBERTA et dans sa capitale EDMONTON. Les KOWALEWSKI sont prévenus de notre   passage. Ils nous ont eux mêmes proposé de passer les voir quand je leur ai   expliqué ce que nous voulions faire. Je leur téléphone 200 kilomètres avant. Il   nous aura fallu 1 jour et demi pour faire ce long parcours de liaison. La maison   est facile à trouver. Comme à NEW-YORK, les avenues et rues portent seulement   des numéros et se coupent à angles droits. Nous faisons connaissance de ce vieux   couple chez qui nous allons rester 36 heures. Je remets au Docteur KOWALEWSKI la   lettre de Thomasz SKOWRONEK qui lui est adressée. 
      Je reviendrai plus loin dans   ce récit sur le voyage que j’ai effectué en juin dernier en Pologne et au cours   duquel cette lettre m’a été confiée. Cette lettre fera en ma compagnie 12000   kilomètres en voiture et dans divers avions. Thomas se précipite sur   l’ordinateur de Madame KOWALEWSKI pour adresser un message à son père, 
      comme il   l’a déjà fait depuis l’ordinateur des adorables logeurs d’Armelle à WINNIPEG.   Béatrice ayant une bronchite, le Docteur KOWALEWSKI nous conduit chez un médecin   Polonais qu’il a fait venir comme il en a fait venir d’autres après guerre. Nous   parlons beaucoup avec l’un comme avec l’autre. Les enfants dorment sous 
      la tente   dans le jardin et nous dans une chambre au sous-sol. Au moment du départ les   adieux sont difficiles. Madame KOWALEWSKI m’a confié que « le Docteur » est un   homme de caractère, pas toujours facile. 
      Le retour sur le passé qu’il vient   d’effectuer depuis qu’il a pris connaissance de l’article du « COURRIER DE   SZCZECIN », lui a fait beaucoup de bien. Ils savent que nous ne reviendrons pas   à EDMONTON. La Voiture chargée, le « Docteur » nous quitte. Puis presque   aussitôt la porte du jardin s’ouvre de nouveau et il vient nous regarder partir   avec les larmes aux yeux. Nous continuons depuis nos relations par Internet. 
      « Le Docteur » va bien. Il a 96 ans. Il s’emmitoufle toujours l’hiver pour faire   le tour du quartier. 
      Madame KOWALEWSKI s’inquiète quand, au cours de ces   promenades quotidiennes, la température descend 
      à moins 25, ou plus bas   encore. 
      Décidément, j’aurai fait remuer le passé de beaucoup de gens. 
      Ceux qui sont devenus mes amis en Pologne ne cessent de me dire que ce qui a   été fait les a aidés à être reconnus ou mieux à être pris au sérieux par les   autorités Polonaises. Les événements que je vais relater maintenant tendent à   faire croire qu’ils disent vrai. En racontant d’abord la rencontre avec la   Famille KOWALEWSKI, 
        je me situe déjà en juillet 2003. 
      En juin 2003, j’étais de nouveau en Pologne. Ce voyage était très important   et de nouveau a été la conséquence de ce que les Polonais ont voulu faire pour   le devoir de mémoire. 
        Nous apprendrons le décès de Madame KOWALEWSKI en mars 2006. Le cancer contre   lequel elle luttait courageusement depuis plusieurs années aura eu raison de sa   résistance. 
        Nous garderons d’elle le souvenir d’une femme d’une gentillesse et d’une   délicatesse rares. 
      Etienne JACHEET 
         
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     VIVE LA France AUX ENVIRONS D’ARNSWALDE 
       
      Qui se souvient des prisonniers de Gross-Born ? 
      Depuis quelques années, Etienne JACHEET vient chaque année en Pologne, là où   son père a séjourné pendant 
      la 2ème guerre mondiale. Quand, en 1993, le Général   Jean SIMON a organisé le 1er voyage en ces lieux, l’emplacement du camp n’a pu   être retrouvé. Le maire de JASTROWIE ne pouvait alors apporter son aide 
      car le   nom allemand « GROSS-BORN » n’était pas connu par les Polonais.L’année   suivante, Etienne JACHEET revînt avec sa sœur et un ancien prisonnier français   de l’Oflag IID 
      de GROSS-BORN. Le maire, à ce moment-là savait déjà tout ce qui   concernait BORNE SULINOWO, 
      le village abandonné par l’armée Russe en 1992. Pendant la 2ème guerre mondiale, il existait sur le terrain militaire de   GROSS-BORN, un des plus grands camps de prisonniers de guerre. Un modeste   monument a été construit en 1994. Sur la plaque, la présence des Français   n’était pas signalée. J’ai pu être mis en rapport avec les représentants   régionaux de l’Union Mondiale des Soldats de l’Armée du Pays (A.K.) qui a édifié   ce monument. Monsieur le Docteur Boleslaw PAWLOWSKI, ancien de l’A.K. qui parle   français, m’a aidé. Il y a aujourd’hui 
      une plaque qui honore les prisonniers   Français et rappelle leur présence. Celle-ci a été apportée en mai 2001 
      par des   représentants de l’Amicale des Anciens Prisonniers de l’Oflag IID-IIB, créée   après la guerre par les anciens prisonniers de GROSS-BORN et ARNSWALDE. Des   familles de ces anciens prisonniers, aujourd’hui disparus, participent aussi à   cette amicale. Le Président est le Général Jean SIMON et Etienne JACHEET est   membre du conseil d’administration. Nous aidons des familles qui se trouvent   dans une situation difficile et nous organisons des voyages en Pologne, dit   Etienne JACHEET. Cette année, nous étions neuf. A CHOSZCZNO, nous avons pu   apposer, en 2001, une deuxième plaque commémorative sur le mur du   presbytère. 
      Bernard JACHEET est mort en 1970. Il a laissé le souvenir à son fils de   cette mémoire. 
        Quand l’Allemagne hitlérienne a attaqué la France, Bernard   JACHEET était aux armées. Le 9 juin 1940 il a été fait prisonnier 
        dans la région   de REIMS et a été envoyé, comme 3 000 autres prisonniers à l’est de l’Allemagne,   en Poméranie, 
        à l’Oflag IID de GROSS-BORN. Etienne JACHEET dit “ mon père me   racontait que des prisonniers essayaient 
        de s’évader du camp. Ils ont creusé des   tunnels. Par le premier, 8 officiers ont pu s’échapper dont 6 ont pu regagner la   France. Les 2 autres ont été repris en Belgique. Au mois de mars 1942, des   prisonniers ont creusé 
        un tunnel qui mesurait 117 mètres de longueur. Au cours   de deux nuits, 17 officiers se sont évadés. 
      La 3ème nuit, le lieutenant André   RABIN a été assassiné par les allemands lors de sa sortie. 
      Quand les officiers   s’évadaient, leurs camarades remplaçaient les évadés par des mannequins qui   étaient placés dans les rangs durant les appels pour que les allemands ne   s’aperçoivent de leur absence. Lors d’une promenade, le lieutenant de BOISSIEU et deux camarades se sont évadés et ils ont trompés les recherches en allant   vers l’est 
et non vers l’ouest. Il se retrouva dons en Union Soviétique puis   avec 186 autres Français, ils rejoignirent l’Ecosse en partant par le port   d’ARKANGELSK.. Il a épousé après la guerre la fille du Général DE GAULLE. 
Le   camp était situé sur le terrain militaire également polygone de tir et   d’exercice de la whermacht. 
Aux alentours, il y avait de grandes forêts. Mon   père racontait que les prisonniers faisaient du théâtre, organisaient des   conférences, et faisaient des activités artistiques telles que sculpture et   peinture. 
Comme il y avait parmi eux des scientifiques, une université a été   créée dont les diplômes ont été validés après 
la guerre. La nourriture au camp   était très mauvaise mais ils étaient aidés par les colis des familles et de la   Croix Rouge, dit Etienne JACHEET qui ajoute : quand la guerre éclata entre la   Russie et l’Allemagne, un camp 
de prisonniers russes fût installé à côté du camp   français. Mon père racontait que c’était horrible. 
Ces hommes mourraient de   faim. Beaucoup étaient assassinés. Les français essayaient de leur jeter 
de la   nourriture mais souvent sans succès. 
      Les Français sont restés à GROSS-BORN jusqu’en mai 1942. A cette date,   ils ont été transférés à ARNSWALDE 
        et on a envoyé à leur place les prisonniers   Polonais qui s’y trouvaient. En allant à ARNSWALDE, les Français 
        ont rencontré   les officiers Polonais qui arrivaient en sens inverse. Quand ils se croisèrent,   les Polonais ont chanté LA MARSEILLAISE se qui fâcha les allemands. 12 officiers   Polonais en rang portaient chacun sur sa veste une lettre reconstituant les mots   « VIVE LA France ». Y a t’il des survivants aujourd’hui parmi ces officiers   Polonais ? Nous voudrions pouvoir nous mettre en rapport avec eux, dit Etienne   JACHEET. A ARNSWALDE, les Français possédaient une radio clandestine grâce à   laquelle ils ont appris la libération de PARIS le 25 août 1944 
        par la 2ème   division blindée du Général LECLERC. Ce matin là, ils sont arrivés à l’appel en   respectant le silence et en se mettant au garde à vous au commandement du   colonel Français, ce qui était inhabituel. 
        Les nazis étaient stupéfaits mais la   libération de PARIS leur a été annoncée.  
      Au mois de janvier 1945, l’offensive soviétique avançait rapidement vers   l’ouest. Les prisonniers Français 
        ont été évacués à pied vers l’ouest en   colonnes. Une moitié a parcouru 300 kilomètres à pied et l’autre moitié 
        500   kilomètres. Bernard JACHEET était dans le premier groupe. Ils sont arrivés à   WIENTZENDORF 
        près de BERGEN-BELSEN où ils furent libérés par les ANGLAIS qui ont   aussi libéré le camp de concentration. 
        Les Anglais, très émus par cette terrible   découverte, ont chassé les habitants de leurs maisons pour y installer 
        des   survivants et les prisonniers Français.  
      Après la guerre, GROSS-BORN a été effacé de la carte. Son polygone et le camp   militaire ont été occupés par les soviétiques. Ils ne s’intéressaient pas au   sort des prisonniers soviétiques. Le nom de GROSS-BORN est apparu en 1989 dans   plusieurs travaux bibliographiques des anciens prisonniers de l’Oflag parmi   lesquels Witold WIRPSZY et le professeur d’histoire Aleksandra GIEYSZTORA. On a   pas écrit pourtant que GROSS-BORN était tout prêt 
        de DRAWSKO POMORSKIE.   Maintenant un groupe d’archéologues de l’université de TORUN, qui travaillait   sous la direction du professeur Andrzej KOLI, a découvert des fosses communes   dans la partie nord-ouest de l’ancien camp. On soupçonne que 30 000 Russes,   Français, Polonais et Yougoslaves ont été emprisonnés dans ces lieux. Tous ces   faits ont été évoqués lors de la conférence Polono-Française du 22 juin dernier   à BORNE SULINOWO. 
      Les participants Français étaient accompagnés par Etienne   JACHEET. Monsieur Maurice KORCHIA, un ancien prisonnier Français de l’oflag IID   de GROSS-BORN a fait part de son émotion de revoir ces lieux où tant 
      de   prisonniers sont morts et il a remercié les amis Polonais. Etienne JACHEET   reviendra en Pologne l’année prochaine. 
      Bogdan TWARDOCHLEB Légendes des deux photos : 1 - Maurice KORCHIA avec son   épouse dans la caserne 
      à CHOSZCZNO, ancien oflag IIB d’ARNSWALDE. 2 – Les   membres de l’Amicale des Anciens Prisonniers de l’Oflag IID-IIB à BORNE   SULINOWO. 
       
       
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